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Avaler ce monde qui nous digère moins lentement (1)

Honoré de Balzac disait "Le monde m'appartient parce que je le comprends."

 

J'ose croire que l'auteur monumental de la Comédie humaine, s'il vivait aujourd'hui, ferait preuve d'un peu plus de retenue et de sagesse dans ces propos.

 

Non pas que le monde ait tellement changé. Les dimesions terrestres et les contraintes géographiques sont demeurées les mêmes. La nature et la condition humaines n'ont pas vraiment changées.

 

Toutefois, notre conscience planétaire et notre vision globale du monde a été grandement modifié. Les vitesses de déplacement des communications, des flux monétaires et des populations se sont considérablement accélérés. Et cette accélération de l'histoire ne s'est pas fait sans rupture avec le passé. La stabilité et l'interaction entre les peuples ont été radicalement bouleversé.

 

La technologie permet de sauter des étapes dans le cours de l'évolution d'une société. Elle permet aussi à des nations de régresser de manière fulgurante dans la nostalgie de tout un passé glorieux ou imaginé plus désirable que le présent. Finalement, cette même technologie, qui permet tant de "miracles", pourrait aussi bien rayer entièrement la race humaine de la surface de la planète.

 

D'un point de vue géopolitique, également, les choses ont beaucoup changées, évoluées dans une autre direction, diraient certaines âmes plus sensibles. Autrement dit, nous vivons à une époque où les frontières se resserent. Où les ambitions impériales resurgissent. Et, bien entendu, l'empire actuellement en position de domination sent de plus en plus ses forces les plus vives l'abandonner. Peu à peu, l'impérialisme américain se contracte sous la pression d'autres groupes internationaux plus compacts, moins fragiles et un peu plus ambitieux sur la scène mondiale.

 

On a qu'à penser à la Chine, à l'Inde, à l'Union européenne menée par l'Allemagne, aux pays latino-américains sous l'influence du Brésil, au réveil de la Russie, etc. Mais à l'ombre de toutes ces tensions "saines et rationnelles", dans un climat de compétition économique, il y a aussi un autre phénomène qui se dessine. Celui de la résurrection de l'ancien califat, enfoui dans les décombres ou dans les stations service des trois dernières guerres mondiales: la Première Guerre, la Seconde Guerre et la Guerre Froide.

 

Ainsi, depuis 1989, non seulement le communisme tel qu'il était incarné par l'URSS s'est-il écroulé sous le poids de sa folle prétention, mais le monde n'a cessé d'évoluer vers un globe multi-polaire où la démocratie commence à drolement ressembler à un accident de parcours dans l'histoire humaine. À un intermède entre deux Moyen-Âge.

 

Car si nous avons fait le pas sans trop vouloir nous en rendre compte dans un tout nouveau siècle, dans une toute nouvelle dynamique internationale; nous avons également engagé nos existences dans un nouveau millénaire.

 

Et cette étape peu banale nous impose d'adopter une perspective plus lointaine de notre actualité car ce qui s'annonce ou s'en vient ne fera pas l'économie de cette réflexion sur l'histoire et la préhistoire elle-même.

 

On a qu'à se pencher sur l'obsession de la guerre au terrorisme, mise de l'avant par l'administration précédant celle de "l'espoir" incarné par le président Obama, pour se rendre compte de tout le capital de sympathie et de toutes les ressources humaines et naturelles qui se trouvent englouties dans ce conflit asymétrique et paranoïaques qui ne peut, par la nature même du conflit, prendre fin.

 

En effet, même la chute de l'empire lui-même engendrerait à son tour ce type d'affrontement entre des régimes stables et des factions idéologiques déracinées, incapables de toucher le sol et de bouleverser le sol sur lequel elles décideraient de s'établir.

 

Car ne nous y trompons pas. Le terrorisme, tout comme l'espionnage, ne remonte pas à hier. Et ce n'est pas d'hier non plus que les frontières deviennent floues et poreuses.

 

Cet état de fait, diraient certains observateurs optimistes, devraient nous démontrer que la globalisation du monde en cours ne changera rien aux fondements de nos vies.

 

Or, il n'en est rien puisque le mouvement, la vitesse sont inséparables de l'impact fatal. Et cet impact ne peut pas ne pas arrivé. Que cet impact soit l'équivalent d'un boom supersonique ou celui d'un coup de canon importe peu. Le basculement aura lieu. Et celui-ci prendra la forme d'une grand guerre. Il n'y a rien d'autre à prévoir, malheuresement.

 

Comme dirait l'Autre, le génie est sorti de la bouteille. Ou plutôt, devrait-on dire que le djin vient d'émerger de sa tempête du désert.

 

Et dieu sait ce que les effets de cette sortie monstrueuse et irrationnelle réservera à l'humanité dans un futur immédiat.

 

Appelez cela du catastrophisme ou une simple observation de la dynamique des communications conjugées à celle des conflits, n'empêche que la ceinture de feu qui commence à embraser la planète ne se contentera pas d'aparaître sous la forme d'un simple "printemps arabe".

 

Les investissements humanitaires n'ont pas été à la hauteur des ambitions émergentes de l'organisation des "nations unies".

 

La logique du profit et de la faillite des démocraties de moins en moins axé sur la protection des acquis du "New Deal' ou de la fable du "Commonwealth" ne permettra pas d'arrêter à temps l'épidémie islamo-fasciste actuellement en cours d'implantation en Syrie, en Libye, en Afghanistan, au Pakistan, en Tunisie, en Turquie, etc.

 

Surtout, oubliez les derniers bastions de résistance du Maghreb. L'Algérie lutte quotidiennement avec un terrorisme qui ne faiblit aucunement de la mort d'Oussam Ben Laden.

 

Les mouvements de libération de bien des pays repassent par des ornières déjà empruntées au XXe siècle. Fascisme nouveau genre, anarcho-capitalisme, stalinisme arriéré, tout est bon pour canaliser le désespoir de populations entières livrées à l'indifférence des pays dits riches et à la rage aveugle de certains prédicateurs ne prenant même plus la peine d'asseoir leur rhétorique eschatologique sur les bases d'un avenir meilleur. La logique du martyr enclenché par la défelante islamo-fasciste entraînera à sa suite des millions et des millions de gens qui n'ont plus rien à perdre parce qu'il sont encore près d'un milliard deux cent millions d'individus à gagner moins de 1.50$ US par jour afin de survivre à une misère volontairement camouflée par un discours néolibéral décomplexé. Dépouillé de ses derniers habits d'humanité.

 

Quand on annonce sans cesse des taux de chômage en croissance chez les jeunes en Europe. Quand on embrigade femmes, hommes et enfants dans des guerres de territoires sanglantes aux quatres coin d'un globe qui ne tourne plus rond. Quand l'irrationnel (ou la croyance religieuse) devient un droit à défendre au même titre que la Déclaration des droites de la personne. Quand les inégalités sont en croissance partout malgré toutes les stratégies mises en place par des gouvernements nationaux incapables de remplacer leurs discours économiques par autre chose que des discours sur la Sécurité. Quand tout ce qui se dit et s'échange, à l'instar des produits et services incorporés par la globalisation des marchés, est scrupuleusement et systématiquement surveillé; la seule chose dont on ne parle plus - et qui n'en est pas moins réprimée par l'ensemble de l'humanité depuis des décennies - finira par se déchaîner, il n'y aura nulle part où se cacher. Nul abri à creuser.

 

Bref, quand on garde trop longtemps une réalité humaine enchaînée sans reconnaître celle-ci pour ce qu'elle est, une superstition dangereuse qui ne demande qu'à frapper, eh bien, on se réserve un monde qui sombrera corps et âme dans un désastre spirituel sans équivalent dans le passé. Une forme d'apocalypse de l'âme qui cherchera aussi vigoureusement à se libérer de son cops que de son enveloppe terrestre.

 

La seule frontière que l'évolution démocratique des sociétés dominantes finira par tombée. Et cette frontière invisible est simple à décrire. Il s'agit de cette mince ligne rouge qui sépare le Savoir et la Croyance. Et lorsque ce savoir est une marchandise comme une autre, la croyance devient un exutoire comme nul autre pareil. Une sortie de secours qui prend les contours des portes de l'enfer.

 

 

ce qui se passe ailleurs dans le monde (audio) :

 

Les nouvelles internationales avec : vendredi de colère chez les Frères musulmans. Une chronique largement inspirée de cette chronique de RFI ?

 

En réaction à la chronique : "Peut-on tolérer l'intolérable ?"  Question pertinente de Benoît Dutrizac.

 

 

 

 

Réponse diplomatique: on aura peut-être pas le choix de le faire. Sinon, il nous faudra entrer dans une guerre totale avec l'ensemble des pays musulmans.

 

ce qui se déroule au Canada (texto et vidéo) :

 

Le texte d'un intellectuel de renom a retenu mon attention cette semaine. Il s'agit d'un texte mi-chair, mi-poisson, qui fait l'éloge de Justin Trudeau d'une manière vraiment peu conventionnelle, d'un point de vue politique. Et ce, même si le commentateur en question est un spécialiste de la politique canadienne.

 

 

 

Je dois l'avouer. Il m'a fallu relire ce texte plusieurs fois tellement je n'en croyais pas mes yeux.

 

Tout d'abord, parce que j'ai beaucoup de respect pour son auteur et parce que je sais que celui-ci a eu l'audace et la justesse de souligner, lors d'un brin de causette à propos du leader ayant "créé" le Canada, que l'étoile de Pierre E. Trudeau pâlissait lorsqu'on comparait son intelligence à celle de John A. Macdonald.

 

Ensuite, ce qui surprend, ce sont les citations en exergue. Comment peut-on sérieusement citer Margaret Thatcher et Kanye West avant de faire un portrait crédible du potentiel de Justin Trudeau ? Gwyn sait-il qu'il s'agit là probablement de l'artiste le plus imbu de sa personne et le moins sympathique qui soit à l'extérieur de sa sphère d'influence musicale ? Lorsqu'on lit le reste du texte, on se rend définitivement compte que non.

 

Peu importe. L'essentiel de ma surprise se tient ailleurs. Je dirais même en marge du personnage qu'on essaie de saisir à l'écran. Tout mon étonnement tient dans cet aura qui entoure l'argument principal de l'auteur de The Nation Maker.

 

Ainsi, même si l'auteur de l'article souffle à la fois le chaud et le froid concernant les chances de victoire du nouveau chef du Parti libéral du Canada, on sent qu'il manque de faire preuve de la même prudence lorsqu'il prend pour acquis certains constats. Comme par exemple, lorsqu'il endosse du bout des lèvres la "tendance" du "néo-individualisme" développée par un certain Robert Putnam, auteur du fameux livre Bowling Alone.

 

Mais ce n'est pas tout. Gwyn va plus loin. En plus de comparer la stature du fils de Trudeau à un dieu grec et de pratiquement expliquer les échecs du père par un simple manque d'intelligence émotionnelle (!), celui-ci s'aventure même jusqu'à souligner l'efficacité de sa campagne à la chefferie basée sur la "no-policy policy" comme si c'était la dernière des innovations. Alors que tout le monde sait qu'il s'agit du plus vieux camouflage politique pour qui ne veut pas prêter flanc à la critique. Et ce, en ne prenant position sur rien de très original ou compromettant, ou en ne développant aucune vision politique basée sur des principes difficiles à défendre sur la place publique. Bref, tout est dans l'image. Exit l'expérience. Par la fenêtre aussi l'esprit critique quant au combat du belâtre contre le sénateur amérindien déchu. Aucune mention quant à l'aspect symbolique de voir un parlementaire de la Chambre basse (un élu) organisé un spectacle de boxe avec un membre de la Chambre haute (nommé par le premier ministre) dans le but d'amasser des fonds pour une bonne cause, certes, mais en y écorchant sérieusement le standing des deux professions. Encore là, j'imagine que c'est moi qui prend tout ces détails beaucoup trop au sérieux... alors que Stephen Harper lui-même a bâti son nation building là-dessus: l'exploitation d'une vision discordante des Premières Nations et du rôle de la Couronne britanique dans les affaires candiennes.

 

Heureusement, tout n'est pas de la même eau dans cette analyse un peu complaisante envers le principal intéressé et on peut y trouver matière à réflexion concernant l'influence indirecte d'un stratège de Tony Blair sur la stratégie adopée par le clan Trudeau.

 

De plus, on y revient avec justesse sur une déclaration du leader libéral datant de 2001 sur laquelle je suis toujours en train de réfléchir car elle me semble typique du genre de politique qui s'est installé aujourd'hui, sous la dictature des communications. Et la citation est celle-ci:

 

“I don’t read newspapers.
I don’t watch the news.
 I figure if something happens,
 someone will tell me.”

Ce n'est pas la candeur ou la stupidité apparente de cette phrase qui me préoccupe. Non, ce qui me fascine, c'est qu'elle contient peut-être la clef pour comprendre le présentisme dans lequel la politique fédérale, provinciale et municipale se trouve embourbé, à notre époque.

 

Par exemple, on peut se demander si les meneurs d'opinions, les chefs de parti et les capitaines d'industrie ne logent pas tous à la même enseigne: celle qui veut que la réalité que l'on crée pour diriger les spectateurs, les citoyens ou les ouvriers d'un pays ne se trouve pas là où croit qu'elle se cache, c'est-à-dire dans les médias.

 

 

ce que l'on dit d'intelligent sur les médias (texto) :

 

Pour terminer sur une note plus guillerette, pourquoi ne pas vous demander...

 

Comment devient-on accro au numérique ?

 

Une référence pertinente obtenue grâce à l'incontournable émission @LaSphere de la SRC.

 

bonus track



05/07/2013
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