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Avaler ce monde qui nous digère plus lentement (3)

Comprendre le monde qui nous comprend. Essayer d'appréhender un monde qui nous englobe. Qui veut vraiment relever ce défi ou qui croit pouvoir y arriver simplement en s'informant quotidiennement ?

 

Est-ce que lire les journaux, regarder la télévision ou écouter la radio est suffisant ?

 

Quelle est la place du cinéma, de la littérature et de notre entourage immédiat dans tout ce cheminement ?

 

Qu'en est-il de la communauté dont on fait partie et au sein de laquelle nous sommes souvent absents ?

 

La crise démocratique actuelle est probablement issue de cet éloignement ou de ce sentiment d'étrange étrangeté que nous entretenons face à l'endroit où nous vivons. Et par "cet endroit", je n'entends pas la province ou le pays, mais bien la petite municipalité ou l'arrondissement où nous vivons, tout bonnement, chacun dans notre coin de pays.

 

Personnellement, je ne suis pas du tout ou ne me sens pas du tout impliqué dans la municipalité où je vis. Il n'y a pas de sentiment d'appartenance ou d'enracinement véritable.

 

Chaque semaine, ou même plus souvent, je fais ma petite visite à la bibliothèque de l'île où j'habite et je passe devant la mairie. Chaque fois, ou presque, je me demande combien de personnes participent à l'activité collective de cette ville où je ne me sens qu'un passant anonyme, un fantôme. Et puis, je me pose la question pour les passants qui, je le vois bien dans leur regard ou dans leur attitude, ignorent jusqu'à l'emplacement de ce poste de décision municipal. Et pourtant, c'est bien au niveau local que les décisions affectant notre vie de tous les jours se concrétisent.

 

Malgré tout, je sens toujours cette même indifférence. Cet ennui poli qui m'habite face à la qualité des routes, à l'abondance de l'eau potable, à l'entretien adéquat des équipements municipaux, au juste paiement et aux bonnes conditions de travail des fonctionnaires qui font que cette ville est ce qu'elle est, et non pas autre chose. Et pourtant, n'est-ce pas là que tout se joue au quotidien ?

 

Peut-être suis-je trop solitaire ou ai-je trop l'habitude de vivre isolé des autres, mais il me semble que la démocratie se délite de cette manière. Par la désertion du citoyen de son milieu de vie immédiat par le biais de son désintéressement envers les lieux de décisions le touchant directement. Par cet espèce d'affaissement sur soi-même dans notre intimité universellement partagée, facebookée, twitterisée, instagrammisée, etc.

 

Bref, dans ce perpétuel désir du spectacle, du grandiose, du discours à l'emporte-pièce et, surtout, dans cette recherche de sens saupoudrée de sens commun et trempée dans le marketing politique provincial ou fédéral, est-ce que le citoyen ne disparaît pas pour être remplacé par un vulgaire client qui astique en permanence les contours de son pouvoir d'achat ? Car si small is beautiful, il ne faudrait pas exagérer la petitesse de nos attentions, non ?

 

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Mais une fois qu'on a dit ça. On a toujours pas réglé le problème de la démocratie représentative.

 

Et c'est pourquoi la lecture de ce livre... 

 

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de Francis Dupuis-Déri me semble très importante afin de réfléchir à ce qui se passe (ou ne se passe pas) au Canada, politiquement parlant.

 

Et ce, parce que son auteur met le doigt sur le bobo : comprenons-nous ou maîtrisons-nous vraiment ce qu'est la démocratie et ce que veut dire véritablement vivre dans un régime démocratique ? Sommes-nous seulement capables de cet imagination ? Sommes-nous encore assez perspicaces pour oser faire un retour en arrière et puiser à la source de nos deux plus grandes révolutions utopiques occidentales - la révolution américaine et la révolution française - afin de mieux comprendre notre régime politique actuel ? Au canada, nous vivons toujours dans une monarchie constitutionnelle. Avec tout ce que ça implique de servitude volontaire supplémentaire...

 

Car l'idée de base est celle-ci : est-ce que le pouvoir des mots peut encore quelque chose contre les mots du pouvoir, dans la société dans laquelle nous vivons ? Dans cette société dominée par l'économie à tous prix et la religion de la croissance continuelle; sommes-nous capables d'autres choses que de consumer le monde en voulant le consommer bêtement, chaque jour de nos vies ?

 

Cela dit, comment comprendre l'époque actuelle sans réfléchir à l'origine de l'outil de communication que nous utilisons tous les jours ? Ce média des médias. Ce médium quasi divinatoire qui répond même aux plus saugrenues de nos questions. Sans pour autant nous aider à résoudre le plus important de nos problèmes. D'ailleurs, comment appréhender la vitesse du progrès avant le progrès lui-même réalisé, à une époque où même les pauses sont tarifées ?

 

Cette idée de la réflexion sur la vitesse (sans nécessairement être un éloge de la lenteur), elle justifie la raison pour laquelle mes trois derniers billets thématiques portaient sensiblement le même titre. Mais pas tout à fait.

 

Le premier, faisant référence à une vitesse de la nouvelle qui nous dépasse sans nous apporter d'indices suffisants sur sa destination finale.

 

Le second, reprenant sa vitesse normale avec des événements circonscrits dans un déraillement continuel de la vie qui perd son sens en sortant du train train quotidien du transport habituel de la marchandise qui fait avancer toutes les autres. La marchandise énergétique. Le produit de nos énergies qui se transforme ensuite en énergie nécessaire à la création d'autres produits et services.

 

Et finalement, ce dernier billet du trio, qui cherche à prendre un peu plus de recul face à tout ça afin d'y voir plus clair. La vitesse de notre train de vie rendant trop souvent le paysage qui nous entoure plus flou, presque accessoire. Voire virtuel ou dérisoire, parfois. Un peu comme si nous étions tellement absorbé par les médias que nous en subissions un renversement de sens soudain. Ce renversement qui donne à ce qui passe sur nos écrans plus de réalité que ce qui passe à travers la fenêtre de notre logis ou bien la vitre de notre véhicule de prédilection. Étrange époque. Époque opaque, comme dirait l'Autre.

 

Un éditorial de Carole Beaulieu, paru dans L'actualité, ayant pour sujet la saga entourant Edward Snowden, un drop out de niveau high school recruté par la NSA, qui a fini par devenir le symbole d'un monde qui ne sait plus qui protège qui et de quoi, au juste, m'a donné le goût de voir ce documentaire intitulé "Une contre-histoire de l’Internet"...

 


 

Documentaire essentiel qui nous rappelle bien des choses importantes sur l'origine à la fois proche et lointaine du réseau des réseaux. Après tout, parler des années 1960, c'est quand même parler du siècle dernier. D'un siècle révolu. Et vivre aujourd'hui, qu'est-ce vraiment si nous vivons au coeur d'une révolution des perceptions du monde ? Si les portes de la perceptions ont également ouverts toutes les fenêtres sur le monde ; qui peut savoir comment habiter ce monde de la cave jusqu'au grenier ? Le voudrait-on, le pourrait-on seulement ? Pour un humaniste de la vieille école comme moi, il est clair que ce n'est pas possible et que c'est une illusion de croire que l'on peut remplir le monde entier de sa présence sans y perdre sa propre consistance au passage. Alors, que faire ? Envisager l'inévitable: il faut s'avouer contre-révolutionnaire. Ne serait-ce que par simple mesure de précaution. Une mesure d'être humain. Dépassé par le changement qu'il a provoqué lui-même. L'avalement de sa personne par l'étendue démesurée de tous ses plus absurdes fantasmes...


 

bonus track

 

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20/07/2013
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