aquaplanant

Mes chers amis, à ce moment-ci de la semaine, habituellement, j'inscris ici, sur ce petit espace anonyme perdu quelque part dans le vide insondable de la Grande Toile Mondiale un inventaire de trois moments médiatiques ayant croisé mon regard sur un quelconque écran.

Résolution prise en ce début d'année 2013 marquée par le mouvement du serpent chinois, je prends en note ce qui se passe ailleurs dans le monde d'important, ce qui se déroule au Canada de remarquable et, finalement, ce qui se dit d'intelligent sur les médias.

Cette semaine, tout comme la semaine dernière, je modifierai encore ma formule en ne m'intéressant qu'à un seul document (radiophonique) qui a occupé toute ma semaine. Et ce, parce que ce personnage politique incarne ce qui se passe dans le monde (la perpétuelle lutte pour la liberté et la justice), ce qui se déroule au Canada (ce désir d'existence nationale indépendante qui ne s'incarne plus aussi passionnément au Québec) et, finalement, comment ne pas saisir l'occasion de laisser des gens reconnus dans leurs domaines parler avec éloquence de la pertinence indéniable de Bourgault en matière d'analyse et de discours médiatique ?

Encore une fois, j'ai répété dans le cours habituel de mes activités quotidiennes cette phrase toute simple dans laquelle je crois plus que tout :

Tout au long de cette semaine, j'ai écouté "religieusement" un document radiophonique consacré à un homme d'exception. Mais je devrais dire un homme d'exceptionS pour être tout à fait juste envers l'homme et sa légende.

Car de toutes ses exceptions, dont sont également composées la langue française - au grand dam, parfois, de tous ceux qui cherchent à l'apprendre et à la maîtriser convenablement -, un homme de parole, d'action et d'engagements profonds défile dans notre tête.

Étant issu d'un milieu difficile où l'exclusion sociale et le mépris était choses choses courantes, ayant une apparence hors du commun; Pierre Bourgault n'oubliait probablement jamais d'où il venait à chacun de ses discours. Et l'esquisse complète du personnage qu'il est devenu avec le temps, les batailles, et aussi avec l'âge, en a fait au final un tribun politique doublé d'un libre penseur à la fois vaniteux et honnête.

Autrement dit, un être complexe doué d'un talent pour les discours et la prise de parole, mais par ailleurs très pudique ou très peu loquace concernant certains aspects importants de sa vie personnelle.

L'homme qui fut controversé tout le long de sa vie - et même au-delà de son terme - s'est éteint comme on éteint une vieille cigarette. Cette maudite cigarette qu'on aurait rallumée trop de fois dans la même journée, avant de se la remettre au bec. Assumant l'amertume de la vie et la nécessité d'une mauvaise habitude permettant de défier le commun des mortels.

Parlant de "bec", c'est bien Bourgault qui a trouvé cette formule touristique digne de la Belle Province des années 1970 : au Québec, tout commence par un Q et finit par un bec. L'amour libre ou le sexe, la drogue et la délinquance politique concentrés en une seule "toune". Tout ça, et rien de moins, résumé en une chanson de moins de trois minutes. Voilà le génie de cet homme de mots, de lettres, d'histoire et de discours enflammés exposé d'une manière percutante et flamboyante.

Moi-même ayant été impliqué en politique sur des coups de tête successifs. Ayant eu également l'idée saugrenue de faire le saut en politique suite à un coup de foudre avec l'idée d'abolir la prohibition concernant la marijuana, je peux comprendre le parcours de cet homme qui a soutenu une cause avec une fougue étrangère à plusieurs qui partageaient pourtant son rêve.

Par ce lien, je ne cherche en rien à tracer un parallèle audacieux ou une comparaison avec un personnage politique important de l'histoire récente du Québec. Je désire plutôt mettre en relief un ou deux aspects de la politique ou de la parole engagée politiquement.

1. Les engagements les plus profonds et les plus persistants d'une vie ne se font pas nécessairement suite à une réflexion très poussée. C'est plutôt la persistance dans l'engagement et le renouveau de celui-ci envers une cause qui démontre la valeur de sa détermination politique.
2. Le hasard, la chance et un solide réseau d'amitié peut constituer l'essentiel d'une vie réussie même si l'objectif final n'est pas atteint au terme de son existence.

Cela dit, la politique, l'engagement, la parole facile ne sont pas tout dans la vie. Et la réussite n'est pas tout, également, dans la vie.

J'ai eu le curieux privilège d'avoir deux femmes pour jouer le rôle de mère dans mon existence, parlant de ça, et aucune d'elles ne vous diraient aujourd'hui qu'elles ont l'impression d'avoir "réussi leurs vies". Loin de là.

Et pourtant, en tant que fils naturel et fils adoptif, je suis bien capable de reconnaître que la réussite est ailleurs que dans l'existence de celui ou celle qui la cherche.

Dans le présent exemple, il s'agit de voir dans la réussite le chemin obscur et détourné qui tire son origine d'une vie difficile, mais se développe comme une racine qui transmet richesse de coeur et d'esprit à une descendance reconnaissante et vivifiante à nouveau pour les autres qui a besoin de prendre sa place sur la terre.

Pour moi, Bourgault est ce type de personne. Souvent méconnu, méprisé, incompris. Mais, au bout du fil, on se rend compte que la vie malheureuse vécue dans le refus du renoncement et de la lâcheté ordinaire est un magnifique porteur d'espoir pour les générations suivantes, aux prises très souvent avec le même type de désespoir ou le même genre de d'errance.

Bref, c'est le propre des gens qui sont en avance sur leur époque, comme le dit si bien le cliché cent fois répété, d'être les porteurs d'une idée aussi indésirable - par la foule bête ou méchante - que peut l'être le bonheur chez l'homme qui se sent, avec ce savant mélange de fierté et d'indignation, seul et isolé au milieu de cette dernière.